Les tableaux italiens des collections publiques ont récemment fait l'objet d'une étude par l'INHA (Institut national d'histoire de l'art) sous la direction de Michel Laclotte et Nathalie Volle. Les églises du département des Yvelines ont ainsi bénéficié du regard des spécialistes qui ont proposé quelques attributions. C'est le cas du tableau anciennement exposé en l'église Saint-Christophe de Châteaufort figurant la Pentecôte.
Les conditions de bonne conservation n'étant pas réunies dans l'église Saint-Christophe, la commune restitue cette oeuvre le lundi 28 octobre 2019 à son propriétaire, la commune de Chartres, afin qu'il soit exposé au musée des beaux-arts de la ville.
Voici le commentaire qu'en fait Catherine Cernokrak, conservateur des Antiquités et objets d'art nous ayant rendu visite en mai dernier.
Cette oeuvre représente la scène du récit des Actes des Apôtres (Ac 2, 1-41) selon un schéma caractéristique de la seconde moitié du XVIème siècle en Italie : une construction pyramidale centrée sur la figure de la Vierge, avec les saintes femmes qui viennent s'ajouter aux apôtres de la représentation traditionnelle. Le format particulièrement étiré en hauteur doit correspondre à celui d'un tableau de retable, l'étagement des figures étant matérialisé par des marches d'escalier.
Marie a les yeux levés au ciel, selon l'habitude prise par les peintres depuis le concile de Trente pour représenter les saints. La stabilité sereine de cette position centrale, justifiée par le fait qu'elle représente symboliquement l'Eglise, contraste avec l'agitation des apôtres dont les gestes marquent la surprise, la crainte ou l'acceptation. Les uns se retournent pour fuir, les autres se protègent la tête, un apôtre désigne la colombe, un autre, au premier plan, probablement saint Jean, ouvre les mains pour l'accueillir.
A une époque où les artistes sont également architectes et ingénieurs, notre peintre a mis un soin particulier à détailler le fond d'architecture "à la romaine" en vogue. Par le style, cette peinture se rattache à la fin du courant maniériste, caractérisé par l'allongement des corps traités en lignes sinueuses jusqu'à l'oubli du vraisemblable, par les coloris vifs fortement contrastés et l'espace très chargé de figures.
A Sienne, vers le milieu du XVIème siècle, ce mouvement a pour chef de file le peintre B. Neroni, surnommé il Riccio. Les historiens d'art Jean-Christophe Baudequin et Marco Ciampolini proposent d'attribuer La Pentecôte à un de ses élèves actif à Sienne dans le troisième quart de ce siècle : Tiberio Billo. Cet artiste est mentionné dans les archives pour sa collaboration avec d'autres peintres à la décoration murale de palais à Sienne. Il figure également parmi les peintres qui reçoivent commande d'une tablette peinte pour les registres des comptes de la ville, en 1562 et 1567. Il a également peint quelques tableaux de retables pour des églises des environs, parmi lesquels on peut citer une Assomption entre sainte Agathe et saint Martin, datée de 1577, à Radicondoli ; une Vierge du Rosaire aujourd'hui conservée au musée Montalcino, et une Bienheureuse Julie à Certaldo, de 1581.
Ce tableau provient par conséquent très probablement d'un retable d'une église des environs de Sienne, c'est un témoin rare en France de cette période et de ce style.
A propos du tableau de la Crucifixion
La commune de Châteaufort est propriétaire d'un tableau de la Crucifixion autrefois exposé en l'église Saint-Christophe. Il a été placé en 1974 dans la chapelle de l'ancien séminaire Saint-Charles de Chartres. Après le départ des archives départementales d'Eure et Loire, le bâtiment fut rénové et il est occupé depuis par les services départementaux pour la promotion économique et touristique. La chapelle sert occasionnellement de salle d'exposition ouverte au public. Cependant, le tableau, recouvert d'un tissu, n'est plus visible.
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