Retour de pèlerinage de Monique Flattet, paroissienne de Port-Royal
Personnellement, en octobre dernier, j’ai participé, avec 8 membres de ma famille et 34 autres pèlerins à un pèlerinage « Sur les pas de Jeanne Jugan » organisé par le diocèse de Saint-Claude (Jura). Ce fut vraiment l’occasion de mieux connaître cette sainte et j’ai désiré vous partager le parcours de sa vie.
Monique Flattet
Jeanne est née le 25 octobre 1792 à Cancale, dans une petite maison basse au toit de chaume, au sol à terre battue. Sixième enfant d’une famille dont le père, pêcheur, part souvent en mer en Terre Neuve, et une mère paysanne, au cœur d’un territoire dont la population est indigente mais soulagée par une solidarité forte entre les familles. Elle fut baptisée le jour même de sa naissance à l’église paroissiale Saint- Méen de Cancale.
Encore enfant, Jeanne apprend avec sa maman les travaux ménagers, garde les vaches et prie avec des personnes du voisinage qui la catéchisent.
Jeanne a 4 ans. Son père parti en mer ne reviendra plus jamais. Souvent, à l’aube, elle se rend à la Chapelle de Notre Dame du Verger toute proche de Cancale, pour implorer le retour de son père disparu en mer.
Vers 15 ou 16 ans, Jeanne fut placée, comme aide-cuisinière, au service de la vicomtesse de Chouë, à Saint- Coulomb près de Cancale. Elle arriva là, toute timide, mais prête à apprendre et à bien faire son nouveau métier. Jeanne ne fut pas seulement employée à la cuisine : elle fut associée au service des pauvres. Elle alla visiter des familles indigentes, des vieillards isolés. Elle apprenait, déjà, le partage, le respect, la tendresse et combien il faut de délicatesse pour ne pas humilier ceux qui ont besoin d’être aidés.
En 1817, alors qu’elle a 25 ans, elle participe à une mission paroissiale durant laquelle elle reçoit l’appel de Dieu, encore mystérieux. Elle décline une demande en mariage et confie à sa mère : « Dieu me veut pour lui, pour une oeuvre qui n’est pas encore fondée
Attirée par le service des pauvres, elle travaille comme aide infirmière à l’hôpital de Saint-Servan.
En 1823, Jeanne est très fatiguée. Elle est accueillie par Melle Lecoq, plus en qualité d’amie que de domestique. Ensemble, elles visitent les pauvres. En 1835, son amie décède et Jeanne retravaille dans d’autres familles aisées avec lesquelles pendant longtemps elle gardera des liens d’amitié.
Vers 1837, Jeanne s’installe avec une amie plus âgée qu’elle dans une mansarde à quelques pas de l’église paroissiale où elle participe régulièrement à des réunions avec les membres du « Tiers Ordre de la Mère Admirable » fondé par Jean Eudes.
En 1839, elle a 47 ans ; on lui confie une orpheline avec laquelle elle a une vie de prière et de travail. Durant l’hiver, Jeanne est touchée par la misère d’une vieille femme aveugle, paralysée et seule. Elle la prend sur son dos, l’emporte dans sa chambre et lui donne son lit. Jeanne s’installe au grenier pour dormir sur une paillasse. Peu de temps après une vieille femme frappe à la porte, puis une troisième. Jeanne et ses compagnes changent de maison devenue trop petite car les demandes d’entrée des personnes âgées ne cessent d’augmenter.
En 1842, Jeanne inaugure la quête pour pouvoir les nourrir et acquière l’ancien couvent des « Filles de la Croix » à Saint-Servan. C’est une dure expérience de pauvreté et d’humilité ; elle disait :"J’allais avec mon panier chercher pour nos pauvres… Cela me coûtait, mais je le faisais pour le bon Dieu et pour nos chers pauvres… La même année, à la maison de la Croix, Jeanne devient supérieure de la petite communauté. Elles sont quatre à faire le vœu d’obéissance et deviennent « Servantes des pauvres »
Pourtant, très vite, Jeanne va connaître le désert. Un an après sa nomination de supérieure de sa communauté, elle est réélue mais l’abbé Auguste Le Pailleur, vicaire de St Servan et qui les avait approuvées et aidées, casse cette élection et remplace Jeanne par une compagne plus jeune. En 1844, elles changent de nom et deviennent « Petites sœurs des pauvres ».
En 1845, l’œuvre commence à être connue au point que l’Académie Française remet à Jeanne le prix Montyon (prix de vertu remis à des personnes méritantes) dont les journaux s’empressent de faire des éloges sur elle ; des fondations vont se multiplier en quelques années. La communauté s’agrandit et ouvre des maisons un peu partout en France (Rennes, Dinan, Tours…)
En 1852, elle est assignée à la Maison Mère à Rennes, puis en 1856., à la Maison Mère de la congrégation des Petites soeurs des pauvres, au domaine de la Tour Saint-Joseph, à Saint-Pern.
Pendant 27 ans, Jeanne devenue « Soeur Marie de la Croix » est dépouillée de toutes responsabilités et va discrètement témoigner de sa foi et transmettre son charisme aux novices de la congrégation. « C’est si beau d’être pauvre, de ne rien avoir, de tout attendre du Bon Dieu « disait-elle ; C’est au milieu des novices et des postulantes qu’elle partagera sa vie jusqu’à sa mort.
Jeanne s’éteint, à 86 ans, dans la paix et la discrétion, le 29 août 1879 dans une chambre d’infirmerie aménagée pour elle en oratoire.
A sa mort, elle est inhumée dans le cimetière de Saint-Pern avec les autres religieuses qui l’ont précédée. Le 16 mars 1936, ses restes sont déposés, dans un tombeau de granit, dans la crypte de la chapelle de la maison mère.
Jean-Paul II, en la béatifiant le 3 octobre 1982 et Benoit XVI, en la canonisant le 11 octobre 2009 lui ont envoyé un message de reconnaissance de l’Eglise pour l’oeuvre de miséricorde accomplie, par « une française pauvre qui a fait l’action la plus vertueuse.
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